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Confession Éthylique

Il me semble que je bois depuis toujours.
Pourtant, mon premier souvenir  d’alcool et de cuite au vin rouge remonte à ma prime adolescence quand ma mère eut décidé d’inviter quelques amis à la maison.
J’en fus très malade.

Plus tard, ce fut les copains et les virées à la bière à la taverne du coin. On rentrait toujours ronds comme des queues de pelle et on s’amusait à taguer les maisons sur le chemin du retour dont celle des voisins.
Il n’était pas difficile de retracer notre chemin du retour.
L’alcool nous désinhibait totalement. 

S’ensuivit les boîtes de nuit et le premier contact avec l’alcool fort. C’était l’époque où je commençais à vider les bouteilles de ma mère.

Et puis l’alcool fut éclipsé par le joint pendant des années jusqu’au jour où ce dernier me donna des crises d’angoisse.
Le repli se refit tout naturellement de nouveau vers l’alcool. 

Un souvenir ressurgit soudain, celui d’un film intitulé Barfly, et qui retraçait le parcours d’un écrivain alcoolo, charmeur, nommé Charles Bukowski, que je vis avec mon meilleur ami de l’époque et qui nous fascina totalement. 

Au début de ma vie professionnelle. Les occasions ne manquaient pas pour boire un verre. D’abord sur le temps de midi, ensuite en fin d’après midi et pour finir le soir quand on sortait. 

Cela devint un vrai problème quand je commença à boire seul chez moi. Le produit devint très très addictif. Devenu nécessaire à mon corps. 

Je me vois aller acheter de la bière à 8 heures du matin au magasin. Lorsque le liquide ne coulait plus dans mes veines, j’étais pris de tremblements incontrôlables. 

Tout en ayant conscience d’être malade, je continuai donc à boire même le matin avant de me rendre à mon travail. 

Mais cela commença à se voir.  Et en premier lieu dans le chef de mon supérieur hiérarchique. Il me refusa alors l’entrée et me demanda de me faire soigner. Ce que je fis. S’ensuivit un internement en hôpital psychiatrique de 3 semaines. Le premier d’une longue série entrecoupée de rechutes. 

Mais pourquoi boire et reboire? 

Fuir la réalité me semble être la première raison. Oublier les tracas quotidiens. Se plonger dans l’autodestruction. Prendre de la distance d’avec le monde. 

Tel était mon credo.

Un autre de mes symptômes était le fait de cacher ma maladie à mes proches. Autant à ma petite amie qu’à ma famille. Planquer les bouteilles. Masquer son haleine. Mentir. L’exercice imposé était toujours le même. 

Mais le plus terrible était le fait de se couper petit à petit des gens que l’on aime. Cela se fit progressivement. On ne s’en rend pas compte immédiatement. 

Et quand ils sont partis, c’est trop tard. On a beau avoir des remords, la moitié de la distance terre-lune est tellement dépassée qu’il n’y a pas moyen de revenir en arrière. 

Mais qu’est-ce qu’une journée type de mon moi alcoolique? 

En premier, se lever péniblement en ne sachant pas si l’on a dormi. Se demander où est la bouteille. Généralement à côté du lit. Ressentir les premiers signes de manque. Se réjouir ou pas de la quantité dans le contenant. 

Attendre que le commerce le plus près ouvre. S’y rendre en espérant qu’aucun voisin de l’immeuble ne vous voie. Plus besoin de parler au tenancier. La vodka ou le whisky sont quasiment prêts sur le comptoir. Rentrer à l’appartement en regardant ses chaussures. A peine la porte fermée, boire la première gorgée au goulot. 

En ingurgiter d’autres pour faire cesser ces maudits tremblements. L’idéal étant de tenir avec la bouteille jusqu’à 18 heures. L’heure où le night shop de l’autre coin prendra le relais. Toujours diversifier ses points d’eau afin de faire illusion. Là, il n’y a vraiment pas besoin non plus de prononcer un mot. La bouteille m’est quasiment offerte. Redescendre ma rue à pas rapides. Remonter mes escaliers. Home sweet home. 

Continuer à se saouler tranquillement. Attendre les 5 minutes avant la fermeture du supermarché pour être sûr d’y croiser le moins de monde possible. N’acheter que des produits de première nécessité, dont le poison, afin de ne pas perdre trop de temps. 

Retâter de la bouteille pour faire passer la soirée. Ne plus boire trop ardemment en sachant que demain n’est pas loin et qu’on aura besoin du liquide au lever. Essayer de ne pas trop le vider. Tout en sachant qu’un autre night shop, un peu plus loin pourra faire office de quatrième base arrière. 

L’un des désavantages majeurs de l’alcool c’est qu’il vous dicte de ne plus rien faire. Ainsi, vous pouvez arrêter de manger, arrêter de vous laver, arrêter de payer vos factures, arrêter de nettoyer, arrêter de relever votre courrier. Bref, tout ce qui faisait partie d’une vie normale. 

Et puis, il y a le delirium tremens, ce mal qui vous fait perdre la tête lorsque vous ne maîtrisez plus vos pensées à cause du manque. L’alcool finit par vous défaire littéralement. Il vous ronge jusqu’à l’os. Pour ne laisser qu’une carcasse prématurément vieillie. Assoiffée et diminuée. 

Un vieil indien a dit un jour: «Ce n’est pas toi qui tète la bouteille mais c’est la bouteille qui te tète».               

Aniki