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Le journal d’Aniki (#1)

Premier juin.

J’ouvris un œil et me retournai dans mon lit. Je vis un rayon de soleil matinal percer l’une des vitres de ma chambre. Le soleil n’était pas mon ami. J’estimais que celui-ci mettait trop en lumière mes imperfections. Je m’arrangeais toujours pour essayer de me cacher sous un bonnet ou une casquette. Je ne m’aimais pas. Ma carrière d’alcoolique me l’avait bien rendue. Mon physique en avait pâti. Le miroir me rendait une mauvaise image tandis que mon cerveau me rappelait les mauvais moments brumeux avec perte et fracas. L’éloignement des gens que j’ avais aimé. Surtout le départ de ma petite amie qui voulait me faire un enfant. 

Retour dans ma chambre. Je saisis mon téléphone. Il est huit heures et des poussières. Aujourd’hui est une date spéciale. On est mardi. Je dois rentrer dans un hôpital de jour. La première étape avait été une réunion d’information pour présenter l’endroit à coups d’images sur PC. L’étape suivante était de donner un coup de téléphone le lendemain pour prendre un rendez-vous avec une psychiatre afin de savoir si j’entrais dans les conditions. Mais la rencontre fut repoussée aux calendes grecques me laissant le temps de picoler pendant des semaines.

Pourtant j’étais surveillé comme le lait sur le feu par mon psychologue via visioconférence deux jours par semaine. Je suivais aussi par écran interposé les réunions des alcooliques anonymes ainsi que celles des bipolaires. Mais le problème c’est que j’étais irrémédiablement toujours sous influence. La bouteille à portée de main. Par chance, je bénéficiais d’hospitalisations programmées afin de me suivre au plus près après un mois et demi passé chez moi et comme d’habitude j’avais rechuté. Le séjour du sevrage dura 10 jours. Et il fut fructueux cette fois. Je sortis dans de bonnes dispositions. A vrai dire, j’étais fatigué de mon mode de vie. Je décidais de mettre au point une alternative. Fini de boire jusqu’au cul de la bouteille (rien que d’y penser, j’en étais dégoûté), fini de manger seulement après minuit, fini d’être la loque de service. 

En ce jour, je me levait de mon lit, fis couler un bain et pris mes médicaments. Une emprise pour une autre mais j’avais besoin de ces béquilles. J’engloutis mon petit déjeuner, premier repère de ma journée. Des céréales. Il avait appris des alcooliques anonymes qu’il fallait structurer son temps. Des repas à heures fixes faisaient office de balises ainsi que de reprendre soin de soi-même. Je décidais de ressortir de mon repère afin de m’acheter une veste aux galeries Agora. Le monde extérieur ne me faisait plus peur tandis que j’étais ajun. Je dus négocier durement avec le vendeur. Je réussis à faire baisser le prix de moitié. C’était l’une des expressions de ma nouvelle force. Fier comme Artaban, je me dis que bourré j’aurais payé le prix plein. 

Une fois habillé pour cette journée, je me sentis stressé. Je fumais ma première cigarette en tremblant. Je décidais de reprendre de la benzo. J’avais peur. J’avais eu peur toute ma vie. Je me demandais si j’allais aimer l’endroit et surtout si j’allais pouvoir m’intégrer dans le groupe. Il était l’heure de partir. Je pris la décision d’y aller à pied pour me remettre en forme et le ferais tous les jours. 40 minutes de marche aller-retour. J’arrivais à l’hôpital dix minutes à l’avance. J’en grillait une et repris du Diazépam. Je savais que c’était exagéré mais je ne pouvais pas faire autrement. C’était le premier jour après tout, je n’en aurais plus autant besoin le reste de la semaine. J’entrais dans l’hôpital de jour, m’inscrivis, pris l’ascenseur et sonnai à la porte avant d’entrer. je tombais immédiatement sur ma référente. Elle s’appelait Dorothée et me fis entrer dans un local, prit ma température et vérifia mon oxygène avant d’entamer un questions réponses sur moi-même. Ensuite, elle me fit faire le tour du propriétaire avant de me montrer la farde des activités possibles afin que je puisse choisir mes préférées. Par après, elle m’emmena à la réunion communautaire de la semaine mais celle-ci se terminait. Une nouvelle preuve de mon nouvel état d’esprit fut de demander à un résident inconnu de jouer au ping-pong en attendant le repas. Je n’aurais jamais osé auparavant, trop caché dans mon armure de solitude éthylique. J’étais venu là pour me resocialiser et surtout combler mes journées. 

Que de moments gâchés par le poison où je ne faisais que traîner sur les réseaux sociaux jusqu’à plus soif. Maintenant, je m’étais même remis à la lecture, allant même jusqu’à prendre le risque de me rendre au square près de chez moi le livre à la main en m’asseyant sur un banc. Malheureusement, quelques individus bruyants m’empêchèrent de me concentrer totalement. Je changeais de spot et m’obligeais à finir le premier chapitre. Comme un défi. C’était par des petites choses comme cela que je décidais de me reconstruire et de me retrouver en pleine conscience de ce que je faisais. Le 10 mai fut ma première date de sevrage, soit 22 jours*.   

*NDLR au moment de l’écriture de ce texte.

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